Depuis quelques années, nous entendons énormément parler du concept de motricité libre. En effet, de nombreuses crèches et de plus en plus d’assistantes maternelles sont formées à cette pratique. Votre médecin vous a probablement conseillé de laisser votre enfant évoluer au sol. La crèche l’a peut-être évoqué dans une conversation, sans forcément vous donner plus d’explications… Alors, qu’est-ce que la motricité libre ? Quels en sont les principes ? Comment accompagner au mieux son enfant dans son développement moteur ?
L’étape des premiers pas est souvent très attendue. Chaque parent guette avec impatience les progrès de sa progéniture. Je crois que c’est quelque chose que nous faisons tous ! D’ailleurs cela peut vite nous inquiéter lorsqu’on remarque que notre enfant progresse moins vite que les autres. Mais, je le répète souvent, chaque enfant à son propre rythme… Avant d’avoir assez de confiance pour se lâcher et partir à la découverte du monde, bébé a besoin de découvrir, à son propre rythme, les étapes de la motricité.
Personnellement, j’ai commencé à m’intéresser à la motricité libre quand mon fils a eu 4 mois. J’ai tout de suite été convaincue. Cela a été pour moi une évidence. C’est pour cela que j’essaie de l’appliquer au quotidien même si parfois je sais que je commets encore quelques maladresses. Il y a encore des moments où j’oublie de NE PAS intervenir ! Et si vous me suivez sur les réseaux, vous verrez de temps en temps ma fille dans un transat ! Comme je le dis souvent tout est pour moi une question de mesure… Ceci étant dit, entrons dans le vif du sujet !
Qu’est-ce que la motricité libre ?
Le schéma corporel de l’enfant est quelque chose qui va se construire progressivement. En effet, tout au long de son développement, l’enfant va passer par plusieurs phases :
Entre 0 et 3 mois l’enfant est dans ce que l’on appelle « la phase du corps subi« . Il n’a pas du tout d’action sur son corps. Il vit ce que l’on appelle un schéma d’action en 6 étapes (il dort, il a faim, il se réveille, il pleure, il mange, il se rendort). Au niveau de la motricité, il sera sous l’action des réflexes archaïques (par exemple la marche automatique, ou le réflexe d’agrippement). On dit que c’est une période pendant laquelle il subit son corps.
Et puis, petit à petit, le système nerveux va se développer. Par l’action de différentes lois, l’enfant va redresser sa tête et acquérir du tonus dans le dos pour pouvoir se redresser. Après trois mois, les réflexes archaïques vont disparaître pour laisser place à une motricité volontaire. L’enfant va commencer à se mouvoir, à se retourner puis à se déplacer.
Le tout-petit est en quelque sorte « programmé » et suivra de façon tout à fait naturelle les étapes du développement moteur. En motricité libre, on laisse l’enfant évoluer à son propre rythme. L’enfant découvre seul son corps et ses sensations afin de prendre pleinement conscience de ses capacités. De cette façon, il va s’approprier l’espace, trouver les bons appuis, le bon équilibre afin de mettre en place une motricité harmonieuse.
Chaque petit pas prépare le suivant, dans un processus continu et dans un ordre donné. Evidemment, je parle ici d’enfants qui ne rencontrent pas de difficultés particulières.
C’est de cette manière, en respectant les étapes, que la motricité reposera sur des bases solides et que l’enfant aura confiance en lui, en ses capacités et en son propre jugement. Cela pose également les bases de l’autonomie : l’enfant va apprendre à gérer ses premières frustrations en trouvant par lui-même des solutions adaptées pour résoudre ses problèmes (comment atteindre ce jouet ? Comment arriver jusqu’au canapé ?). Par exemple, avant de savoir ramper, ma fille roulait sur elle-même pour aller chercher l’objet qu’elle convoitait. Et je sentais bien la satisfaction lorsqu’elle arrivait à atteindre son but.
Parmi les principes de la motricité libre, il y a également le respect de la physiologie de l’enfant: on ne le place pas dans une position qu’il n’est pas capable de prendre ou de quitter tout seul. J’y reviendrai un peu plus tard.
Comment favoriser la motricité libre au quotidien ?
Au quotidien c’est à nous, parents, de penser l’environnement de manière à ce que l’enfant puisse s’appuyer sur ses propres ressources pour faire lui-même.
Prévoir un espace au sol adapté et sécurisé. Dans un premier temps, vous pourrez installer l’enfant sur un tapis souple avec quelques jeux. Par la suite, vous pourrez y ajouter d’autres éléments : des caisses, des fauteuils etc… Cela lui permettra de prendre appui pour se redresser.
Laisser l’enfant évoluer au sol librement tout en l’accompagnant par votre présence rassurante. Même si l’on peut-être tenté de profiter de ce moment de jeu pour aller faire autre chose, il est important de rester au côté de l’enfant. Accompagné de l’adulte, l’enfant sera en pleine confiance et plus à-même de se dépasser.
Habillez votre bébé avec des vêtements confortables, qui n’entravent pas les mouvements. Lorsque l’enfant commence à se lever, il se pose souvent la question du choix des premières chaussures… L’idéal est de laisser votre tout-petit pieds nus, ou en chaussettes anti-antidérapantes. A l’extérieur, de petits chaussons très souples seront parfaits pour les premiers pas.
Les pratiques à éviter :
Les objets qui entravent la motricité libre :
D’une manière générale, il faut éviter de laisser un tout-petit dans une position qui le maintiendrait dans une attitude passive (transat, doomoo). Si bébé est bien disposé, il vaut toujours mieux le laisser évoluer au sol. Je sais tout de même que le transat est très utile dans certaines situations et moi-même j’en possède un. Si vous ne l’avez pas encore acheté, je vous recommande d’opter pour un transat « up & down » qui permettra à votre petit bout d’être à hauteur de table pendant les repas. De cette façon il pourra regarder et sentir ce qui est posé sur la table, capter votre regard et participer à la vie de famille.
Vous l’aurez compris, je ne fais pas partie des « puristes » qui pensent que le transat est à bannir complètement. De mon point de vue c’est la répétition des actions qui vont finalement avoir un effet sur le développement. Alors si de temps en temps bébé est sur son transat mais que ce n’est pas la norme et que dans la journée il passe beaucoup de temps au sol, je trouve que c’est déjà très bien !
Et le Youpala alors ?
J’ai un avis beaucoup plus tranché en ce qui concerne le fameux Youpala. Pour celles et ceux qui ne savent pas de quoi il s’agit, le principe du Youpala est d’asseoir bébé dans un siège suspendu sur un support à roulettes. A l’âge où il ne marche pas encore, le tout-petit peut alors se pousser sur la pointe des pieds, et se déplacer dans toutes la maison.
La plupart des marques de puériculture en ont sur leur catalogue. Certaines y ont même intégré des plateaux musicaux, des jeux lumineux !! Pourtant, il faut savoir que ce jouet est interdit à la vente au Canada depuis 2004. En France, il est interdit dans les crèches, chez les assistantes maternelles et l’Association Européenne pour la Sécurité des Enfants alerte régulièrement les consommateurs sur sa dangerosité. Vous trouverez sur le net de nombreuses études sur le sujet mais en quelques mots, voici pourquoi le youpala n’est pas recommandé :
1- Il est dangereux et mis en cause dans de nombreux accidents domestiques. Parmi les accidents courants il y a la chute dans les escaliers, ou sur une petite marche (porte d’entrée, accès à la terrasse…) Il y a aussi le cas de l’enfant qui tire sur un fil ou qui fait tomber un objet auquel il n’aurait pas eu accès normalement (risque de brûlures)…
2- Les psychomotriciens déplorent aussi un impact sur l’apprentissage de la marche et les capacités motrices en cas d’utilisation prolongée. Les enfants sont en position « debout » sans avoir à fournir aucun effort de posture. Ils ont le buste un peu trop en avant, et les jambes un peu trop en arrière. Cela vient fausser le sens de l’équilibre et la perception de l’espace.
3- Cela vient donner à l’enfant une impression d’autonomie qu’il n’a pas encore.
Il est donc pour moi, au mieux inutile au pire dangereux…
Mettre l’enfant en position assise avant qu’il n’en soit lui-même capable :
Il est important de respecter la physiologie de l’enfant et de ne pas le placer dans une position qu’il n’est pas capable de prendre ou de quitter tout seul. Par exemple, essayer de le maintenir assis, calé entre des coussins alors qu’il ne tient pas encore assis sans aide. Si vous tentez l’expérience, vous comprendrez rapidement que votre enfant est dans une position inconfortable. En effet, il voûte son dos, il a les coudes serrés contre son torse et ses mouvements de tête se dirigent vers l’avant. D’une part, c’est une position inconfortable qui exerce sur lui de mauvaises tensions et d’autre part, cela lui demande un effort de concentration (pour arriver à maintenir la position) ce qui le détourne de la découverte de son environnement.
Enfin, c’est une position qui rend l’enfant complètement passif et dépendant. Il est en quelque sorte coincé dans une position qu’il n’a pas choisie. Il n’a plus qu’à attendre que l’adulte qui l’a mis ainsi ne vienne le reprendre !
De la même façon et selon le même principe, lorsque l’enfant se déplace debout, le parent ne doit pas l’assister en le tenant par les mains. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette pratique ne vient pas soutenir l’apprentissage de la marche, au contraire… De cette manière, l’enfant perd la maîtrise de son équilibre et devient complètement dépendant de l’adulte (ce qui entrave également la confiance qu’il peut avoir en lui-même et en ses capacités).
Quand intervenir ?
Il y a des cas qui nécessitent évidemment l’intervention de l’adulte. Par exemple, lorsque l’enfant reste « bloqué » dans une position. Cela arrive souvent lorsqu’il commence à vouloir passer du ventre au dos. Dans ce cas là, l’adulte va alors lui montrer comment se défaire de cette position en l’ accompagnant dans le mouvement.
Si pendant l’apprentissage de la marche, l’enfant fait de grosses chutes et qu’il ne parvient pas à tomber correctement en se protégeant, on peut le laisser travailler son équilibre dans un espace sécurisé et ainsi revoir un peu avec lui, les passages d’une position à une autre.
Pour approfondir le sujet :
J’espère que cet article vous aura plu, je vous laisse avec quelques ressources pour vous permettre, si vous le souhaitez d’approfondir le sujet !
Film : « Motricité libre, bien dans son corps, bien dans sa tête« . De Anne Jochum.
Livres :
« Un bébé, comment ça marche ? » de Catherine de Woot et Pierre Baldewyns.
« De la naissance au premier pas » de Michèle Forestier.
Et sur le net…
Association Pickler Loczy :
http://pikler.fr/Annexes/Emmi_Pikler_Loczy/Emmi_Pikler/La_motricite_libre
Le site de Michèle forestier :
https://michele-forestier.fr/articles-sur-le-meme-theme/
Super article ultra complet !
Merci beaucoup !!